Chaque été, le nombre d’espaces dans la ville intégrant un mode de rafraîchissement augmente et nous interroge sur les formes et usages de la ville en période caniculaire. Pour mieux comprendre ce phénomène, nous tentons de le circonscrire autour de l’appellation « dispositif spatio-climatique ». Ce terme englobe les espaces urbains à usage collectif sous l’influence d’un dispositif de rafraîchissement. La notion de « dispositif » nous aide à mieux appréhender les phénomènes spécifiques à l’échelle du corps du citadin et de la micro-morphologie de la ville (Chelkoff, 2001).

Ainsi, plusieurs questions se posent sur l’adaptation de nos environnements urbains aux chaleurs urbaines croissantes : Quelle forme prend « l’espace public climatisé » ? Comment la technique de climatisation s’intègre-t-elle dans la spatialité des lieux ? Comment le dispositif va-t-il orienter ou influencer les usages du lieu ? Quels modes d’interaction entre le dispositif et le corps des citadins ? Quelle expérience de la chaleur en ville le dispositif propose-t-il ?

Dispositifs spatio-climatiques trouvés au 23/04/2019 : carte sur Open Street Map / Umap.
Lien à la carte en construction : http://u.osmfr.org/m/316764/

Malgré cette tentative d’encadrement, un premier travail de repérage à grande échelle nous montre que le nombre de références spatiales pouvant agir sur le ressenti des citadins en période caniculaire est en réalité illimité. De ce fait, un premier ensemble de critères a été dégagé au fur et à mesure de nos trouvailles, afin de préciser notre la définition du dispositif spatio-climatique :

  • C’est un espace public qui a pour objectif de permettre aux citadins de supporter les conditions climatiques changeantes (stratégie d’adaptation ponctuelle).
  • C’est le résultat d’une forte imbrication espace-technique-usages. Le dispositif spatio-climatique représente la technique de climatisation en soi, il s’agit bien de la spatialisation de la technique de rafraîchissement. Cette notion ne fait pas la distinction entre la technique et son effet.
  • C’est une stratégie de modification des paramètres d’ambiances climatiques qui agit sur le corps du citadin directement pour lui apporter une sensation de confort momentanée.
  • C’est une expérience urbaine qui propose un réel engagement avec le corps du citadin. Un certain degré d’immersion à l’intérieur de l’espace et du microclimat créé est nécessaire au dispositif pour être caractérisé en tant que spatio-climatique.
  • C’est un espace à usage collectif dans lequel la technique de rafraîchissement a un effet sur les comportements et les usages. Cet impact peut résulter d’une volonté mise en place par les concepteurs du dispositif ou ses commanditaires, mais aussi de pratiques spontanées des citadins.

Sur la base de ces critères, nous avons constitué un inventaire des installations de rafraîchissement et refroidissement appliquées dans l’espace public. Ce corpus de références constitue une collection d’objets repérés par différents biais avec un objectif analytique (Königk, 2013). L’étude de ce corpus large de dispositifs va permettre de constituer un échantillon d’approfondissement ultérieur selon le type d’espace collectif, le mode de climatisation, les pratiques ou les modes d’interaction.

Actuellement le corpus se compose de 188 références, réparties dans 27 pays du Monde (États-Unis, Canada, France, Espagne, Angleterre, Emirats Arabe Unis, Singapour…). Il a été renseigné par des méthodes de recherche multiples afin d’atteindre une densité et une diversité maximale :

  • Une recherche documentaire par le biais de moyens bibliographiques traditionnels et de requêtes systématiques par internet, employant des mots-clefs en plusieurs langues et appliquant les algorithmes de suggestion automatique pour élargir les sujets de recherche.
  • Une recherche de fabricants et concepteurs, afin d’examiner leurs ressources et de faire remonter des propositions d’espaces publics « climatisés » provenant la pratique quotidienne des professionnels du confort thermique.

Par la suite, nous avons procédé à la constitution de dossiers d’information permettant de renseigner d’une seule et même manière l’ensemble de dispositifs repérés. En l’absence de véritables objets matériels, l’utilisation de documents représentatifs photographiques constitue un premier indice empirique.

Dans un prochain billet, nous discuterons les critères de caractérisation que nous avons proposés pour analyser ce corpus.

Références

Chelkoff, G. (2001). Formes, formants et formalités : catégories d’analyse de l’environnement urbain. Dans Grosjean, M. et Thibaud, J.-P. (dir.). (2001). L’espace urbain en méthodes (p. 101‑124). Marseille : Editions Parenthèses.

Konigk, R. (2013). Determining selection criteria for the compilation of an interior design corpus. Dans 2013 DEFSA Conference Proceedings(p. 134‑144). Pretoria : Design Education Forum of Southern Africa.

Auteurs

Romane PETESQUE & Ignacio REQUENA